MeetMe : rencontre avec Maéva Orsi
Dernière mise à jour : 3 juin 2021
Bienvenue dans MeetMe, une série d'articles pour connaître les traducteurs et traductrices qui ont déjà adopté la traduction automatique. Aujourd'hui, nous rencontrons Maéva Orsi, traductrice professionnelle depuis 10 ans spécialisée en nouvelles technologies, informatique et également rédactrice dans le bien-être.

Depuis combien de temps faites-vous de la post-édition ?
J’ai commencé ma carrière en 2010. À cette époque, nous étions encore aux balbutiements de la post-édition. La traduction “humaine” correspondait à l’essentiel de mon travail à mes débuts. Mais de temps en temps, je recevais des tâches de post-édition. Qui se sont faites de moins en moins rares… jusqu’à carrément piquer la place de la traduction traditionnelle. Au début, la qualité de l’output machine était plus que médiocre. Il arrivait certaines fois que je refuse le projet, ou bien que le client me demande mon avis sincère sur la qualité et s’il fallait utiliser ou non la machine dans le projet.
Puis, il y a peut-être un an ou deux, l’output s’est incroyablement amélioré. Aujourd’hui, j’utilise la post-édition quotidiennement pour presque tous mes projets.
Réponse :
Pourquoi avez-vous intégré la post-édition à votre offre de services ?
J’ai commencé à travailler sur de la post-édition tout naturellement avec des textes techniques, type manuels d’utilisation. Pour ce type de projet, les phrases sont simples, et comme le moteur était à l’époque assez mauvais, on pensait qu’il était plus facile de l’appliquer à des textes techniques “simples” plutôt qu’à des textes plus “rédactionnels”. J’ai accepté la post-édition, car de toute évidence, je savais que petit à petit, ce service allait remplacer la traduction traditionnelle, et j’avais envie de voir cette évolution comme quelque chose de positif.
Avez-vous suivi des formations en post-édition ?
Oui, j’ai appris à utiliser la post-édition et les systèmes de traduction machine à la fac à l’occasion de mon master de traduction pro à l’Université de Lille 3 (Master TSM). Cette formation m’a beaucoup appris, et notamment les fondamentaux derrière les systèmes de machines de traduction, comment ils fonctionnent, et comment ils s’améliorent.
Travaillez-vous avec des agences de traduction ou avec des clients directs ?
Je travaille à la fois avec des agences de traduction et des clients directs. Je dirais qu’en matière d’agences de traduction, la post-édition représente quasi 90 % de mes tâches de traduction, même si aujourd’hui je suis plutôt affectée à des missions de relecture en général. Mais de toute manière, les traductions que je relis sont des post-éditions, donc le moteur est presque tout le temps utilisé. Pour mes clients directs, j’utilise également la post-édition pour améliorer ma productivité et la qualité de mon travail.
Dans le cas des agences, en général, elles m’envoient le texte prétraduit par leur moteur ou celui de leur client. Et dans le cas de mes clients directs, c’est moi qui prétraduis mon texte moi-même.
Quel est le fournisseur de traduction automatique que vous utilisez ?
J’utilise DeepL. À ce jour, c’est pour moi le meilleur moteur de traduction automatique. Pour assurer la confidentialité de mon travail, j’ai évidemment opté pour la formule premium qui garantit l’anonymat des textes passés à la moulinette. Je constate souvent une nette différence entre le moteur de traduction de mes clients et DeepL. DeepL est toujours le plus fin, le plus précis. C’est un outil incroyable pour nous traducteurs. Après, il n’est pas toujours performant. Par exemple, pour les segments courts, type chaînes de logiciels, ou les “mini projets” de traduction, je ne l’utilise pas. Et mes clients non plus.
Avez-vous remarqué une augmentation de la demande des services de post-édition dans les dernières années ?
Oui, la demande s’est accélérée depuis un ou deux ans maintenant. Chez certaines agences, la post-édition a tout simplement remplacé la traduction humaine traditionnelle.
Que conseillez-vous aux traducteurs et traductrices qui cherchent à se rapprocher de la post-édition ?
Je leur conseille de foncer et d’accepter dès aujourd’hui que la post-édition n’est plus l’avenir mais bel et bien le présent. D’ailleurs, post-éditer ou traduire, cela ne veut plus rien dire aujourd’hui. Pour moi, tant que le résultat final est bon, et qu’il répond aux attentes des clients, voire les dépasse, alors c’est que le traducteur a fait son travail. Le client est content et il reviendra. Quand j‘ai commencé la traduction en 2010, nous utilisions des outils horribles, comme SDLX ou Trados, l'ancêtre de SDL Trados Studio qui à l'époque n'était qu'une petite fenêtre qui s'ajoutait à Word. Ces outils étaient tout simplement infects du point de vue du traducteur. Ils n’étaient pas conviviaux. Et plantaient tout le temps. A cette époque, de nombreux traducteurs “anciens” refusaient de s’y mettre. C’est un peu ce qu’il se passe aujourd’hui avec la post-édition. Sauf qu’aujourd’hui, la machine fournit de la qualité et aide les traducteurs.
Quelque chose à ajouter avant de nous quitter ?
Il y a un livre qui annonce que de nombreux métiers vont disparaître, notamment tous les métiers remplaçables par l’ordinateur, l’intelligence artificielle. Le seul moyen de survivre, c’est d’accepter cette situation, de ne pas nier les faits, et d’essayer de s’allier avec la technologie. Si vous vous alliez avec la post-édition, alors vous pourrez continuer à travailler en tant que traducteur. Si vous la refusez, vous tomberez dans l’oubli.
La seule limite à poser quand on décide de se mettre à la post-édition (si ce n’est pas déjà fait, ce qui me paraît étrange), c’est de bien négocier son tarif de post-édition dès le départ : vous ne devez pas accepter un tarif qui baisserait votre chiffre d’affaires journalier. Calculez bien votre productivité horaire en post-édition, et négociez au minimum le même tarif si vous le rapportez à votre tarif en traduction normale. Exemple : vous êtes payé 10 centimes le mot en traduction. La machine vous permet de traduire deux fois plus vite. Alors négociez un tarif de 5 centimes par mot en post-édition. Enfin, n’hésitez pas à aller lire mon blog sur la traduction et la post-édition pour en discuter :)
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